portrait Colette Gordon

Colette Gordon est arrivée aux Etats-Unis il y plus de vingt ans. Elle exerce aujourd’hui en tant que médecin interne dans son cabinet et nous livre son témoignage sur les Américains et la pratique de la médecine aux Etats-Unis.

Pourquoi avez-vous souhaité vivre aux Etats-Unis ?

Je suis arrivée en juillet 1973. J’ai rencontré mon mari américain en 6ème année de médecine et je suis venue aux USA avec lui.

Comment avez-vous pu faire valoir vos études de médecine aux Etats-Unis ?

Ce n’est pas facile. Aux Etats-Unis, ils ne font pas de différence entre les diplômes de médecine du Nigeria ou de France ! J’ai préparé en France l’ECFMG, l’examen permettant de chercher un internat aux Etats-Unis. J’ai passé des entretiens pour y faire mon internat mais je n’ai pas été acceptée. J’ai dû commencer comme externe ce qui m’a permis d’apprendre l’anglais et de m’habituer à la médecine américaine.

Quel a été votre parcours ensuite ?

J’ai fait un an d’internat puis 2 ans pour me spécialiser en médecine interne. J’ai travaillé au début dans un hôpital militaire et en 1983, j’ai ouvert mon cabinet de médecine.

Quelles études doit-on suivre pour devenir médecin aux Etats-Unis?

Il faut faire 4 ans d’université soit en « premed », soit dans une autre matière de votre choix, peu importe. Ensuite, vous avez 4 ans de medical school et pour y rentrer, vous avez un examen.

Est-ce différent d’ouvrir son cabinet de médecine aux Etats-Unis par rapport à la France ?

C’est à peu près pareil. Vous devez avoir un bon emplacement. Vous avez une spécificité ici, c’est qu’il faut signer des contrats avec les assurances afin d’être intégré dans leurs réseaux. Plus vous en signez, mieux c’est mais il faut faire très attention à ce que vous signez. Vous devez regarder d’une part les modalités de paiement des assurances (montant des consultations, périodicité de paiement…Etc.) et d’autre part les restrictions imposées dans les examens de diagnostic. J’ai vu certaines assurances qui restreignaient des accès aux soins en urgence.

Vous êtes agréée par le consulat général de Chicago, comment le devient-on ?

C’est par chance car j’avais rencontré à l’école française de Chicago une personne du consulat et ils cherchaient des médecins français.

Qu’est-ce que vous aimez chez les Américains ?

Ils sont faciles d’accès, très sociables, ils parlent très librement de leur famille. J’ai engagé comme cela la conversation en France et on m’a regardé comme une folle !

Ils sont beaucoup moins intellectuels qu’en France. En France, il y a une grande couche de la population qui peut parler de livres, de films, de théâtre, ici c’est plus difficile. Côté business, c’est très différent. On est libre de faire ce que l’on veut sans restrictions. Je peux embaucher, licencier qui je veux. Si je souhaite salarier une personne, je décide avec elle de son salaire, ses avantages sociaux comme ses vacances, son assurance santé. Ce n’est pas la loi qui me l’impose alors qu’en France, tout est dicté. Concernant les soins, je choisis les examens que je veux faire faire à mes patients, en France, c’est réglementé. En France, dès qu’on lève le petit doigt, il faut avoir la permission de 4 personnes !

Et qu’est-ce que vous détestez ?

La mal-practice. Les gens sont enclins à faire des procès. Ils sont incapables d’accepter leur part de responsabilité. On est obligé d’avoir des assurances pour nous protéger qui nous coûtent une fortune et qui sont une des raisons pour laquelle la médecine américaine est si chère. Je paie par an pour mon assurance $40.000. Si quelqu’un vient avec un mal de tête et demande à passer un IRM car il pense avoir une tumeur au cerveau, même s’il y a 99% de chance qu’il n’en ait pas, je suis obligée de faire ce que le patient demande. Cela a un coût que paie la Société. Les gens sont avides d’avoir des soins en tous genres. On est pris en étau entre une gestion des soins imposée par les assurances avec des conditions pour diminuer les frais et le risque du procès si l’on ne procède pas à tous les examens demandés.

Quels conseils donneriez-vous aux Français qui s’installent ?

Je les encourage à essayer de venir. C’est difficile, il faut se battre ici sans arrêt mais des équivalences existent. Pour un médecin français déjà en exercice, il doit tout recommencer. Pour un étudiant, il peut commencer à mi-parcours mais la Medical school coûte $40.000 par an…