portrait Xavier Hubert

Xavier Hubert a l’expérience d’un salarié d’un grand groupe français envoyé aux Etats-Unis pour gérer une filiale américaine. Il nous donne son point de vue dans les relations professionnelles avec les Américains et les facteurs clés de succès.

Quel a été votre parcours ?

J’ai commencé ma carrière comme assistant à la faculté des sciences de Jussieu en finissant mes études d’économie. Je suis entré en 1972 dans une entreprise d’aéronautique où j’ai travaillé dans différentes fonctions : informatique, contrôle de gestion, administration et finances. A partir de 1982, je me suis occupé d’une société au Canada. J’ai vu de près les Canadiens qui travaillent un peu selon les méthodes américaines : plus organisées, plus méthodiques, rationnelles.

Quel a été votre premier contact avec les Etats-Unis ?

J’ai fait en 1980 mon premier voyage aux Etats-Unis et je me suis dit que je reviendrai dans ce pays.

Qu’est-ce qui vous a surpris à votre arrivée ?

J’avais une idée très négative sur les Etats-Unis : des gens arrogants, méprisants, sauvages. L’idée qu’on a encore en Europe. En fait, j’ai rencontré des gens extrêmement accueillants, beaucoup plus accommodants qu’en France et un pays où tout est facile.

Quels ont été vos débuts professionnels aux USA ?

Nous avons cherché un partenaire aux Etats-Unis. On a identifié un partenaire à New York. Nous avons été reçus par le Vice president International pour développer leur business en Europe. Ils nous ont écouté et nous ont confirmé qu’ils souhaitaient qu’on travaille ensemble après le déjeuner, ce qui est beaucoup plus rapide qu’en France et sans besoin de détour… Ils sont ensuite venus en France pour une réunion avec mon patron et celui des Etats-Unis. A la fin de la réunion, mon interlocuteur américain pensait que mon patron ne voulait pas travailler avec eux alors que c’était tout le contraire. Un exemple de la mauvaise compréhension dans les relations professionnelles entre les Etats-Unis et la France…

Comment s’est faite votre prise de fonctions à la présidence d’une entreprise américaine ?

Après avoir rejoint la Caisse des dépôts et consignations, je me suis occupé d’une filiale aux USA en matière de systèmes d’empreinte digitale. J’ai rejoint la société aux Etats-Unis pour en prendre la présidence. En 1990, elle faisait 18 millions de $ de chiffres d’affaires et 18 millions de $ de pertes… Il y a eu un plan de restructuration très dur avec une réduction de 2/3 des effectifs permanents. Fin 1996, la société faisait 60 millions de chiffre d’affaires et était profitable.

Pouvez-vous nous expliquer comment fonctionnent ces systèmes d’empreinte digitale ?

A partir de la lecture optique des empreintes, on crée un codage unique par empreinte. Aucune empreinte n’est pareille. Il faut au minimum entre 6 à 10 points caractéristiques pour identifier une empreinte,mais vous pouvez en utiliser beaucoup plus surtout si l’empreinte est de qualité; cela diminue le risque d’erreur. Le taux d’erreur est quasiment nul sur une bonne empreinte. Ceci permet une identification des personnes par leur empreinte avec des utilisations très variées dans différents secteurs : police, état civil…etc.

Quelles sont selon vous les fonctions clés d’une filiale américaine d’un groupe français ?

Je pense que dans les entreprises à vocation technique, la présidence et la direction technique doivent être occupées par des Français. Cela sous-entend bien sûr qu’ils doivent pouvoir s’adapter aux Etats-Unis. Pas le contrôle de gestion comme le font beaucoup d’entreprises françaises, cela ne sert à rien.

Comment se sont passés vos premiers mois aux Etats-Unis ?

Cela a été très dur. Je n’ai pas essayé de jouer la carte de l’Américain car je ne l’étais pas. Je leur ai apporté des choses en plus. Par exemple, ils ont une approche plus sectorisée, compartimentée. Je leur ai appris qu’ils pouvaient ouvrir leur champ de compétences. Quand on réduit par 3 les effectifs, cela nécessite d’ouvrir le champ de compétences…

Pouvez-vous nous donner un exemple de différences culturelles dans l’entreprise ?

Aux Etats-Unis, ils préfèrent un produit de moins bonne qualité mais qui fonctionne. En France, on préfère un produit avec 150 fonctionnalités même si elles ne marchent pas toutes. Les Français ne comprennent pas pourquoi on n’en voulait pas. Un président ou un directeur technique français peuvent faire comprendre cela à la maison mère ; un Américain ne le fera pas. Pour répondre à des appels d’offre américains, nous avons cherché des partenaires américains. Dans nos négociations, les Français apparaissaient comme très arrogants et les Américains en déduisaient que nous n’avions pas besoin d’eux…Ceci n’est pas facilité par le fait que les Français utilisent des circonvolutions pour s’exprimer alors que les Américains vont au cœur du problème.

Vous êtes rentré en France, comment s’est passé votre retour ?

La société que je dirigeais a été rachetée et l’actionnaire m’a demandé de partir. Je suis rentré en France avec femme et enfants (6 et 7 ans) qui ne parlaient pas français. Mes précédents employeurs et le dernier, la Caisse des Dépôts et Consignations, m’ont dit qu’ils n’avaient plus rien pour moi. J’ai commencé à travailler pour COGEMA qui m’a envoyé fin 98 aux USA sur le site d’Hanford. J’y ai dirigé la société d’ingénierie jusque fin 2002.

Qu’avez-vous découvert dans vos nouvelles fonctions, une fois revenu aux USA?

J’ai travaillé avec le Department of Energy (DOE). J’ai découvert le monde de l’administration américaine avec ses montagnes de procédures, ses syndicats, un monde américain qui ressemblait à la bureaucratie française. J’ai fait des relations publiques, beaucoup de communication. J’ai été reçu par de nombreux élus et notamment le gouverneur du Texas, à l’époque G.W.Bush, qui m’a reçu pendant une heure. En France, on vous déléguerait le sous-fifre !

Quels conseils donneriez-vous aux Français qui s’installent ?

Il faut une volonté de fer, beaucoup de courage et payer de sa personne. La concurrence est impitoyable. Il faut être américain sans l’être pour avoir de la valeur ajoutée par rapport aux Américains. L’adaptation familiale est très longue, parfois certains rentrent car c’est impossible.