Rencontre Lucy Baluteig Gomes

Lucy Baluteig-Gomes nous raconte comment elle a créé son entreprise, fait connaître ses produits d’une marque inconnue dans l’univers de la mode en Californie. Un portrait instructif pour tous ceux tentés par l’aventure de la création d’entreprises, un témoignage optimiste mais néanmoins lucide sur les possibilités qu’offrent les Etats-Unis.

Quel a été brièvement votre parcours avant d’arriver aux Etats-Unis?

J’ai 31 ans et suis diplômée de l’EBP France (école de commerce où l’on étudie 2 ans sur 4 à l’étranger). Je suis partie à Portsmouth (Grande-Bretagne). A la suite de mes études, je suis partie travailler en Argentine pour UBIFRANCE, puis dans l’export en France pour le Groupe ELIOR et dans le conseil en management au Portugal – où j’ai rejoint mon mari qui travaille au sein des missions économiques du Ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie.

Comment êtes-vous arrivée aux Etats-Unis ?

Mon mari a été muté à Los Angeles et nous avons quitté le Portugal. Les Etats-Unis ne nous attiraient pas vraiment. J’ai mis 9 mois pour avoir un visa de travail grâce au visa A2 de mon mari – visa semi diplomatique.

Quelles ont été vos premières impressions ?

J’aime beaucoup les pays Latins et la mentalité latine dont je me sens très proche et j’avais des préjugés sur la culture américaine que j’imaginais plutôt froide et aseptisée. Cela fait maintenant 2 ans que nous vivons ici et nous sommes agréablement surpris.

Vous vous êtes lancée dans la création d’entreprises aux Etats-Unis?

J’ai toujours eu ce rêve de créer mon entreprise. Créer sa société aux Etats-Unis, c’est facile, pas cher et tout est fait pour que les gens réalisent leurs projets. Il existe par exemple une forme juridique appelée « DBA » ou « Doing Business As », qui permet de créer une entreprise de manière flexible presque comme avec un statut de free lance. Il existe aussi beaucoup d’outils, comme des sites internet gouvernementaux très clairs et pragmatiques pour l’aide à la création d’entreprise sans avoir à passer par un avocat. La Small Business Administration (SBA) en est une belle illustration. En l’espace d’un mois, on peut juridiquement exister en tant qu’entreprise.

Pouvez-vous nous parler de l’entreprise Rose La Biche que vous avez créée ?

J’ai créé cette entreprise il y a un an. J’ai toujours aimé la mode et la couture et j’ai eu l’idée de créer une marque de T-shirts féminins customisés à la main sur un marché californien demandeur. J’ai réalisé mon catalogue-produit et suis allée frapper aux portes des boutiques multi-marques de Los Angeles.

Comment a démarré votre projet ?

Alors que j’étais inconnue tout comme ma marque, j’ai eu rapidement plusieurs magasins qui m’ont passé des commandes fermes de 30-40 T-shirts pour des sommes avoisinant les $1000. Les gens ici osent prendre des risques, ils ne sont pas frileux. C’est très révélateur de l’esprit américain. J’ai participé en parallèle à des « sample sales » (ventes privées), un système de vente basé sur l’idée d’appartenir à une « communauté », à un réseau – la notion d’appartenance communautaire est très forte aux USA.

Vous avez ensuite déménagé sur San Francisco ?

Mon mari a de nouveau été muté. J’ai du abandonner mon idée initiale d’un développement commercial basé sur le système de distribution « typique » de Los Angeles (sous-traitance de la production et ventes gérées par agent) qui est un véritable centre de la mode au niveau international. Arrivée à San Francisco, je me suis rendue compte que c’était complètement différent. La logique et les comportements d’achat ici sont très liés à une mentalité beaucoup plus indépendante et non-conformiste : les gens recherchent surtout la petite marque du petit designer ! J’ai donc décidé de modifier ma stratégie commerciale et de me concentrer sur la vente par internet pour pouvoir maîtriser ma distribution. Deux mois après le lancement de mon site, j’ai des commandes provenant à 50% de France, 20% de New York et 30% du marché local (SF).

Qu’appréciez-vous chez les Américains ?

Leur optimisme constant, leur esprit d’entrepreneur, leur côté positif. Ici tout est possible, envisageable. Le succès est célébré et les Américains le considèrent comme quelque chose de positif et d’exemplaire. C’est assez différent de la vision des choses en France. De manière générale, les gens sont aussi moins protocolaires, ils savent faire confiance et vous laissent faire vos preuves.

Qu’aimez-vous moins ?

Le contraste social est énorme. Il y a clairement les riches et clairement les pauvres. Si l’on est blanc, européen, diplômé et en bonne santé, cela facilite la vie. Un Mexicain sans diplôme, cela change l’histoire… On a l’impression d’une économie à 2 vitesses. Vous vous en rendez compte en allant dans n’importe quel restaurant où la main d’œuvre à la plonge ou en cuisine est toujours mexicaine ! Le système de santé est très dur également, peu égalitaire puisque vous devez vous assurer vous-même. C’est le pays où tout est possible mais on peut tomber très vite et il n’y a alors pas grand monde pour vous aider.

Quels conseils donneriez-vous aux personnes qui débarquent ?

La difficulté est d’avoir le bon visa. J’ai des exemples de gens qui ont cherché un travail depuis l’Europe en posant leur candidature dans les filiales américaines des entreprises françaises. Dans ces cas-là, l’entreprise peut être d’accord pour s’occuper de vous obtenir un visa. Par contre, pour intégrer une entreprise 100% américaine, cela devient bien plus difficile. Partir à l’aventure n’est pas évident. Il vaut mieux avoir un peu d’argent de côté et venir avant pour voir sur place comment cela fonctionne.