Portrait Dominique Schneider

Dominique Schneider arrivé aux USA en 1985 connaît la réussite sans pour autant être devenu milliardaire. Le rêve américain est une réalité pour lui, même s’il reste lucide sur le système social américain ne laissant aux plus « faibles » qu’une vie difficile.

Quel a été votre parcours avant d’arriver aux Etats-Unis ?

J’ai fait mes études au lycée technique en Arles de chaudronnerie et dessin industriel. J’ai fait ensuite 3 ans dans l’armée de l’air à Nîmes, Rochefort, et Solenzara en tant que spécialiste dans les armements & munitions.
J’avais décidé après mon expérience militaire de devenir chauffeur de taxi et pouvoir enfin travailler pour moi. Je n’ai pas pu car il fallait attendre des années pour espérer obtenir une licence. J’ai alors essayé de reprendre une station service mais je n’avais pas les fonds nécessaires et aucune banque ne me faisait confiance. J’avais pourtant une expérience professionnelle non négligeable à cette date. Le dicton “on ne prête qu’aux riches”, c’est une réalité en France. J’en avais assez de mon pays et suis parti en décembre 1985 aux USA.

Comment se sont passés vos débuts aux Etats-Unis ?

Quand je suis arrivé pour la première fois aux États-Unis, à New York, j’ai passé la nuit dans un parc de stationnement. Je suis ensuite parti pour Minneapolis où j’ai fait tous les boulots possibles, il fallait vivre et manger. Nettoyage d’animaux domestiques de riches propriétaires américains, peinture des murs d’appartement. Puis avec très peu d’argent, je me suis lancé en créant une toute petite entreprise de peinture en bâtiment, j’étais enfin mon propre employeur et j’en ai tiré une grande satisfaction.

Après la création de votre entreprise, vous vous êtes remis aux études ?

Pendant quatre ans, j’ai géré ma petite entreprise de peinture. Certes, ce n’était pas une multinationale mais ça marchait bien et je gagnais bien ma vie. En parallèle j’ai eu le temps de passer mon diplôme américain niveau High School et un diplôme d’arpenteur – diplôme Occupational Profeciency Land Surveyor / Surveying Technology obtenu dans le comté de Hennepin du Minnesota. J’ai également fait une formation (cours du soir) AutoCad Assistant Designer(CAO). Fort de ces nouvelles formations, j’ai postulé dans une entreprise qui cherchait des personnes connaissant la terminologie mécanique du dessin industriel en français et en anglais. J’ai obtenu le poste de traducteur pour la compagnie Graco (constructeur de pompes et pistolets à peinture automatiques).

Vous avez ensuite choisi de travailler dans de plus grandes entreprises en tant que salarié ?

La société Graco utilisait un système informatique de traduction, j’avais pris quelques cours d’informatique de base, la boîte m’a fait confiance et m’a confié la gestion et la maintenance du dictionnaire Graco Inc. (Traduction de l’américain en langue française pour les produits de l’entreprise). J’y suis resté presque deux ans.
En 1990, j’ai accepté un poste à Intergraph Corporation en tant que traducteur de logiciel de cartographie. Depuis je travaille pour Intergraph dans le « Configuration Management » et l’automatisation.

Vous vous êtes lancé en parallèle dans l’internet pour vos loisirs ?

Oui, cela est mon petit plaisir personnel. En 1996, j’ai créé le site web de Gurley Community & Town History (la ville où je réside en Alabama) ainsi qu’un logiciel d’assistance à la traduction utilisant des bases de données multilingue et notamment un logiciel que je distribue. En 1999, j’ai créé une boutique “Southern Belle Home Decoration & Giftware “. C’est une boutique de produits venant directement de Provence, d’antiquités et autres objets de décoration d’intérieur. Je commerce avec la mère patrie et fait découvrir aux Américains qui le souhaitent le travail de l’artisanat français très apprécié outre-atlantique!

Quelle a été votre plus grande difficulté aux Etats-Unis ?

Celle de m’habituer à cette liberté d’entreprendre. Sortir de sa prison pour être soi-même, et pas ce que le gouvernement veut que l’on soit. Cela peut faire peur parce que c’est être responsable de sa destinée. C’est comme prendre la vie en pleine figure tel le grand vent de la mer du Nord…

Quels sont pour vous les plus grands traits de caractères des Américains ?

Ils sont positifs et généreux mais superficiels. Leur mode de pensée est toujours comment faire pour parvenir au résultat ­ ils ne pensent même pas que ce soit possible de ne pas y arriver ­ ce n’est pas une option de ne pas parvenir au résultat voulu. Je pense que la majorité des Américains sont confiants en toute épreuve. On apprend aux enfants à travailler, que ce soit pour gagner de l’argent ou comme bénévole. Par contre ceux qui ne sont pas courageux et confiants ont une vie plus difficile ici car il n’y a pas le système social qui permet aux gens d’être “faibles”. Il y a beaucoup d’assistés contrairement à ce que les médias disent. Ma femme travaille comme receveuse dans un bureau de poste et elle voit beaucoup d’assistés qui viennent chercher leurs chèques de sécurité sociale mensuels. Leur plus grand avantage : c’est aussi leur plus grand défaut. Comme la mentalité est de réussir à tout prix, il n’y a pas de place pour ceux qui n’ont pas cette volonté. Alors ces “faibles” sont placés dans une partie de la societé qui est oubliée et avec le minimum pour vivre. Mais si on travaille dur et on fait du bon travail, on y arrive.

Quel est d’après vous le regard des Américains sur les Français ?

Je ne peux parler que des Américains qui m’entourent dans le Dixie Land. Ici les Français sont perçus principalement pour leurs goûts pour le divertissement, les voyages, la gastronomie, la vie artistique… Les relations franco-américaines sont basées sur cela. Ils ne voient pas la France comme une puissance économique ou militaire sérieuse. Ils ne voient pas la France comme une puissance économique ou militaire sérieuse. Les évènements de 9/11 l’ont plus ou moins démontrés leurs positions – l’Allemagne a plus ou moins la même position politique mais ils perçoivent l’Allemagne comme étant plus puissante. Dans la région de Dixie (Alabama) où j’habite, personne ne parle de la France sauf parfois au sujet de voyages ou de positions politiques et morales et religieuses qu’ils n’acceptent pas. Ceux qui ont voyagé en France pensent un peu différemment et se réfèrent à une France qui est agréable pour le tourisme mais qui a besoin de changer beaucoup de choses (trop de vols, manque de politesse, manque de foi religieuse !).

Vous êtes maintenant américain et fier de l’être ?

Je suis américain depuis 2002 (j’ai pris cette décision après 9/11) et fier de l’être, ce pays m’a donné la chance d’être enfin moi-même et de réaliser mes rêves. Même si je ne suis pas devenu milliardaire en $, je suis devenu riche d’avoir pu m’exprimer dans ma vie professionnelle comme je l’entendais. Depuis 1990 je suis marié à une américaine, j’ai deux enfants. Je vis très bien; je suis propriétaire de mon habitation, une villa avec piscine, je suis heureux dans ce pays. Bien évidement, il ne faut pas croire que je n’aime pas le pays qui m’a vu naître. Mais ce que j’ai pu faire aux États unis, je n’aurais jamais pu le faire en France. Le plus, c’est le rêve américain que je vis depuis 1985 et tant que ce pays sera porteur de rêves j’y serai bien et j’y resterai.

Que pensez-vous de la solidarité aux Etats-Unis après les récentes catastrophes naturelles qu’a connu l’Amérique ?

A mon avis, l’Américain moyen est un individualiste et la société américaine est basée sur les personnes qui sont engagées dans leur communauté. L’Amérique rurale est composée d’une société très groupée, que ce soit par religions, préférences, sport, clubs, ou autres activés, le sens de « faire partie du groupe » est très important. On voit la solidarité seulement en réponse à un désastre et seulement s’il existe une croyance religieuse ou une grande générosité de la part de ceux qui fournissent l’assistance.

Quels conseils donneriez-vous aux personnes qui souhaitent s’expatrier aux Etats-Unis ?

Je dirais qu’il faut y venir avec l’envie de travailler et surtout de rester humble. Ce n’est pas parce qu’on est Français que l’on vous porte sur un plateau. Par contre les Américains sauront vous faire confiance et reconnaîtront vos capacités. Aux Etats Unis tout un chacun peut être un entrepreneur, il n’y a pas de tabous .C’est ce qui m’amène à penser que dans le futur, l’Amérique restera une grande nation. Les gens de ce pays ont la faculté de réagir rapidement et sans concession lorsque les problèmes se présentent. Le moteur économique des USA sont les petits entrepreneurs à qui on laisse la liberté de créer.