Portrait expatriée Annelene Decaux

Annelène Decaux a commencé à travailler aux Etats-Unis, changé plusieurs fois de carrière pour être aujourd’hui coach spécialisée dans les changements de carrière. Elle nous parle de son parcours, son expérience au MIT, l’obtention de sa carte verte par la loterie et des secteurs d’avenir pour donner du sens à sa vie.

Pourquoi avez-vous souhaité vivre aux Etats-Unis ?

J’ai fait des études d’ingénieur à l’École des mines de Paris jusqu’en 1997. Beaucoup d’étudiants hommes allaient à l’étranger en CSNE après la fin des études. J’avais fait un stage à Washington en 1996 et j’avais envie d’y retourner aussi !

Pourquoi avez-vous décidé de poursuivre vos études dans une université américaine au MIT ?

J’ai déposé ma candidature à l’automne 1996 dans 5 universités américaines et j’ai reçu 3 réponses positives: Stanford, Cornell et le MIT. J’ai choisi le MIT car je pouvais facilement bénéficier d’une bourse et d’un poste de recherche qui me financerait mes études (à l’époque 36.000 USD par an). Le MIT offre plus de postes de recherche qu’il n’y a d’élèves !

Vous avez commencé à travailler aux Etats-Unis ?

J’ai suivi mon master de août 1997 à janvier 1999 et mon intention était de rester 3 à 5 ans. J’ai cherché un emploi. J’ai eu des offres d’emploi sur la Côte Est et une dans la région de San Francisco que j’ai acceptée. J’ai commencé à travailler comme spécialiste des marchés de l’électricité pour une filiale d’ABB qui est une multinationale spécialisée dans l’équipement électrique.

Avec quel visa avez-vous pu travailler aux Etats-Unis ?

En tant qu’étudiante, j’avais le visa F1 qui donne le droit de travailler un an aux Etats-Unis après ses études. J’ai fait la demande de transfert et 2 mois après j’avais le visa me permettant de travailler. La société pouvait choisir de convertir ce visa en visa H1B.

Vous avez réorienté votre carrière et profité du boom d’internet ?

De mars 1999 à juin 2000, je me suis trouvée au milieu de la bulle internet et j’ai quitté ABB. Tout le monde à l’époque quittait le navire pour tenter l’aventure de l’internet dans des sociétés qui vous offraient des stock options. J’ai eu 5-6 offres d’emploi de sociétés internet. J’ai fait le choix prudent de prendre un job dans une filiale d’une société française : Business Objects. Entre le moment où on m’offrait le poste en mars-avril et mon arrivée dans la structure en septembre 2000, la bulle a éclaté et la filiale ne marchait pas très bien. Toutes les sociétés qui m’avaient proposé un poste fermaient. J’ai été licenciée par la filiale et récupérée dans la société mère de Business Objects pour travailler dans le « corporate development », les fusions-acquisitions de décembre 2000 à janvier 2003 sur des projets notamment d’outsourcing en Inde. J’étais aussi 1/3 de mon temps en France car le siège est en France.

Avez-vous obtenu un autre visa de travail ou la carte verte pour travailler aux Etats-Unis ?

Vous pouvez avoir un visa H1B pour 6 ans maximum.
J’étais candidate pour obtenir la carte verte par l’entreprise mais après 2001, cela prenait 2 à 3 ans. J’ai décidé d’obtenir la carte verte par ce qu’on appelle le procédé extraordinaire (« extraordinary ability green card »). C’est plus simple qu’on ne croit. Il suffit d’avoir 10 lettres de recommandation et comme j’avais écrit pas mal d’articles au MIT, j’avais des bons contacts. J’ai aussi postulé pour la carte verte par la loterie que j’ai gagnée !

Comment avez-vous gagné votre carte verte à la loterie ?

Je suis passée par FranceService.com. Quelqu’un m’a dit « j’ai eu ma carte verte par France Service, vas-y, tu l’auras ! ». J’ai candidaté et cette année-là, le gouvernement américain a changé la taille des photos après que j’ai déposé ma candidature. France Service m’a appelé et demandé de nouvelles photos. Si je n’étais pas passé par France Service, je ne l’aurais sans doute jamais su et n’aurais jamais gagné !

Vous avez changé de carrière pour vous orienter à nouveau vers la recherche ?

La recherche de contacts pour ma carte verte m’a permis de reprendre contact avec des gens dont l’Electric power research Institute (EPRI) qui m’ont offert un superbe poste dans le domaine du changement climatique. Je travaillais pour promouvoir la recherche américaine et inciter des industriels étrangers à investir. Quand on est salarié étranger dans une boîte américaine, c’est un gros plus pour l’entreprise car on est comme un trait d’union entre la société américaine et le reste du monde. Les gens me faisaient confiance car je n’étais pas américaine.

Vous avez à nouveau donné une nouvelle orientation à votre carrière ?

Dans ma recherche de sens dans ma vie, j’ai constaté qu’en fait le problème était le changement. On a un problème grave avec le réchauffement climatique. D’un point de vue scientifique, nous allons vers la catastrophe, la fin de la civilisation et on ne change pas.
J’ai commencé à comprendre qu’il fallait aider les gens à changer. Au printemps 2005, j’ai débuté une carrière de coach de personne à personne, d’accompagnement.

Quel type de coaching faites-vous ?

Ma spécialité, c’est la transition de carrière. J’aide les gens à changer de carrière, à se réinventer, à ne pas avoir peur de changer, à donner du sens à leur vie.
J’aide des personnes de 30-45 ans. C’est bien de suivre ses rêves, l’appel de son âme, il n’y a pas de danger à répondre à ses rêves.
Il y a aujourd’hui des nouveaux secteurs entiers qui se développent avec cette quête de sens.

Pouvez-vous nous dire quels sont pour vous les secteurs de demain?

Il y a 3 fils conducteurs avec des secteurs qui sont en train d’exploser :

– Rendre le monde durable avec une industrie durable
– Rendre le monde plus juste avec moins de pauvreté extrême et des mécanismes comme la micro-finance et des services qui rapprochent les gens.
– Aider les autres à être plus satisfait avec l’épanouissement spirituel de l’homme et le bien-être

En quoi aidez-vous les gens ?

Je les aide à canaliser leurs talents et donner naissance à des vocations. On ne doit plus faire des carrières qui n’ont plus de sens. On ne peut plus faire semblant, on est tous dans le même bateau. Tout le monde peut créer une société qui vend des produits dans le monde entier. La question n’est plus : « Qu’est ce que je vais faire pour servir ma collectivité ou mon pays ? » car si tout le monde fait cela, tous les pays vont disparaître. La question est « Quel est mon service à l’humanité ? ».
J’ai changé plusieurs fois de métiers et je suis un modèle pour ceux qui souhaitent le faire. La culture n’est qu’un conditionnement, une méthode, une manière d’être et plusieurs cultures peuvent coexister. On peut aider car on peut désapprendre et réapprendre. On peut le faire avec un métier. Comme c’est possible pour certains, c’est possible pour tous.

Qu’appréciez-vous aux Etats-Unis ?

Leur esprit de créativité, de poursuivre son rêve et tout le monde le soutient. Mon entourage américain applaudissait mes changements de carrière, mon entourage français était souvent plus prudent. Pour les gens qui aiment l’innovation, c’est idéal. C’est de la bonne humeur, du bonheur, une joie de vivre et on se sent soutenu.

Et qu’est-ce que vous aimez moins ?

Il y a moins un sens de communauté. En France, on est avec ses amis, on rigole, on fait la fête. Aux USA, il y a des communautés mais c’est plus transitoire.

Quels conseils donneriez-vous aux Français qui s’installent et en particulier dans un contexte de crise économique ?

Il y a tellement à faire, allez-y ! Il faut trouver les personnes ou entreprises pour qui la crise n’est pas un problème. Il faut se déplacer – géographiquement ou en changeant de secteur ou d’industrie. Au moment de la grande dépression par exemple, les gens devaient déménager et beaucoup sont arrivés sur la côte Ouest pour trouver du travail. Pendant que beaucoup de gens avaient l’expérience de la crise, d’autres, ceux qui ont su se déplacer, ont trouvé de nouvelles opportunités.