Portrait Laurence Clement

Laurence Clément, docteur en biologie, est arrivée aux Etats-Unis pour faire un post-doc. Elle nous donne des conseils précieux pour tous ceux intéressés par un post-doc et par le champ des possibles qu’offrent les Etats-Unis.

Pourquoi avez-vous souhaité vivre aux Etats-Unis ?

Quand on fait de la recherche, on est vivement encouragé à partir aux Etats-Unis car les instituts de recherche sont en général meilleurs et disposent de plus de moyens.

Comment avez-vous trouvé votre poste de post-doc aux Etats-Unis ?

Par réseau ou « networking » comme on dit ici. Dans le cadre de mes travaux de thèse en France en biologie (sur le diabète), j’ai rencontré un Français qui avait un laboratoire aux Etats-Unis. J’ai déposé ma candidature et je suis venue 6 mois plus tard pour rencontrer les différentes personnes du laboratoire au Diabetes Research Center de l’université californienne de San Francisco (UCSF).

Quels conseils donneriez-vous aux post-docs qui souhaitent venir aux Etats-Unis ?

Beaucoup de candidats font leurs recherches et concluent leur contrat uniquement par téléphone et par email. Je conseille au contraire de venir visiter le laboratoire, de rencontrer les gens du laboratoire avant de commencer car c’est ainsi que l’on se rend compte si le labo fonctionne bien.

Comme il n’est pas facile de trouver un poste de post-doc dans un laboratoire de sa spécialité, il est pour certains préférable d’accepter une offre d’un laboratoire sans pour autant bien le connaître, non ?

C’est vrai que c’est difficile de trouver un labo spécialisé sur une thématique après sa thèse et certains ont peur de passer à côté d’une belle offre. Néanmoins, cela peut être un piège d’accepter une offre ainsi car si le laboratoire fonctionne mal, ce sera du temps perdu. Il vaut mieux parfois trouver plutôt un bon laboratoire non spécialisé sur sa thématique et développer sa propre thématique.

Quels sont les salaires offerts aux post-docs aux Etats-Unis ?

Le salaire minimum en début de post-doc est autour de $3000 (nets) par mois. Dans des entreprises de biotechnologie par exemple, il est plus élevé pouvant aller jusqu’à $4.500. Mais il faut voir que dans certains endroits, le niveau de vie est plus élevé qu’en France comme à San Francisco où les loyers sont élevés.

Quel visa avez-vous obtenu ?

Pour un post-doc, c’est le visa J1, il est facile à obtenir. Il est valable 3 ans et depuis une nouvelle loi, il peut être prolongé 2 ans. Un post-doc dure au moins 3 ans voire 4-5 ans. On peut ensuite demander un visa professionnel H1B. Si l’on travaille dans un gros laboratoire, ils ont l’habitude de faire les démarches administratives pour un tel visa. Les post-docs du monde entier sont la main d’œuvre des laboratoires américains.

Quelles sont les possibilités après un post-doc de trouver un emploi?

Aux Etats-Unis, le plus dur sera d’obtenir le bon visa mais il est relativement facile de trouver un emploi une fois sur place. Pour avoir une chance d’obtenir un poste de retour en France, il faut absolument publier pendant son post-doc, au moins 3 ou 4 publications dans des revues de qualité car les postes sont très difficiles à obtenir. Les salaires ne sont pas les mêmes. Aux Etats-Unis, pour un premier poste dans une entreprise de biotechnologie, on pourra gagner $100.000 par an ($8300 par mois) alors qu’en France on gagnera pour un premier poste 1200-1500 euros par mois…

Quel a été votre parcours là-bas après votre 1er post-doc ?

J’ai commencé un 2ème post-doc au Centre de Recherche Clinique de UCSF et puis je suis tombée malade. J’ai été obligée de m’arrêter pendant plus d’un an. Cela a été un problème car comme je ne travaillais plus, je ne pouvais plus bénéficier du visa J1. Mon mari qui est arrivé aux Etats-Unis avec moi et avait pu bénéficier d’un visa J2 (lié au visa J1) ne pouvait pas continuer à travailler non plus. Il avait créé une société qui a commencé à décoller quand je suis tombée malade. Nous avons donc postuler pour un visa E2 de jeune entrepreneur qui nécessite une procédure lourde (dossier, avocat, business plan…etc.) mais néanmoins rapide (3 mois) et efficace puisque nous avons obtenu tous les deux le visa. J’ai également créé le site sciencebio.com afin d’améliorer la communication au sein de la communauté scientifique et je m’oriente maintenant vers l’environnement.

Pourquoi avez-vous décidé d’arrêter la recherche sur le diabète ?

Je me suis de plus en plus intéressée à l’environnement. Quand je faisais mes recherches sur l’obésité et le diabète, j’étais déjà confrontée à cette problématique puisque seuls 5% des cas d’obésité s’expliquent par des facteurs génétiques, tout le reste est une question d’environnement, de façon de vivre. J’étais gênée de voir autant d’argent versé aux laboratoires pour trouver la pilule miracle amincissante alors que l’on continuait à rajouter de plus en plus de produits intoxicants dans les aliments, de matières grasses et de prôner la surconsommation. Le problème n’est pas médical mais une question d’éducation, de nutrition. C’est une mauvaise évolution de notre société. Aujourd’hui je recherche quelque chose lié à l’environnement, à la Green Economy, mouvement qui démarre aux Etats-Unis et commence à être assez puissant à San Francisco.

Qu’appréciez-vous chez les Américains ?

Leur ouverture d’esprit et le fait que tout est possible ici. Je me laisse décourager très vite mais ici quand on traverse des épreuves, on se relève plus rapidement et du coup, on prend plus de risques et c’est plus enrichissant.

Qu’aimez-vous moins ?

J’ai l’impression que la société française est plus uniforme, il n’y a pas de fossé social aussi large qu’aux Etats-Unis, on a tous un peu la même éducation, on connaît le même univers. Pour les Américains que je connais, les différences sociales et culturelles sont beaucoup plus marquées, ce qui rend les échanges parfois plus compliqués – aussi bien professionnellement que personnellement. Les gens sont plus cloisonnés dans leur bulle sociale.

Quels conseils donneriez-vous aux Français qui s’installent ?

Je les encourage à venir s’installer ici. Il faut bien choisir l’endroit où l’on veut vivre : San Francisco est beaucoup plus européen, progressiste que le Tennessee par exemple plus patriote…