Portrait expatrié usa Francis Metais

Fils de parents bouchers-charcutiers, Francis Metais s’est expatrié aux Etats-Unis où il a finalement monté sa propre société après avoir été salarié de boulangers indépendants et de la multinationale Walt Disney. Il nous éclaire sur son parcours et sur les métiers dans le secteur de la restauration.

Qu’est-ce qui vous a amené aux Etats-Unis ?

J’ai fait l’école nationale de la charcuterie française. J’ai réussi le concours en 1980 de Meilleur Jeune Charcutier de France, ce qui a permis de me faire connaître. En 1981, j’ai été contacté par des jeunes Français aux USA qui cherchaient un Français pour monter une boutique dans un shopping center. J’ai travaillé pendant 1 an mais comme je n’avais pas les papiers, j’ai dû arrêter. J’ai ensuite trouvé un Français qui m’a fait fait un visa d’investisseur pour travailler quelques années dans sa boulangerie. J’ai ensuite travaillé comme chef pour les Chefs de France (MM. Bocuse, Lenotre et Verge) à Orlando.

Vous êtes ensuite rentré en France ?

En 1990, je suis rentré finalement en France où j’ai travaillé à Disneyland Paris dans le développement des restaurants du parc et j’ai fini Executive Chef.

Vous avez décidé de revenir aux US et de créer votre entreprise?

En restant dans le groupe Walt Disney, je suis revenu fin 1999 à Orlando où j’ai pris la responsabilité des 2 bateaux de croisière Disney Cruise Line en charge de la restauration. J’ai decidé en septembre 2003 de créer ma société avec un partenaire, Jean Philippe Simonet, qui travaillait avant à Disney comme directeur du Planet Hollywood des Champs Elysées.

Pourquoi avoir décidé de monter votre business aux Etats-Unis ?

C’est plus simple de s’installer aux USA. Quand on sort de grosses sociétés avec des syndicats puissants, on se dit que ce n’est pas facile. Dans la grande restauration française, on gagne peu d’argent, ils ont tous des bistrots à côté pour répondre aux difficultés financières.

En quoi constitue votre business ?

Nous avons un restaurant haut de gamme à Orlando qui s’appelle Anaelle & Hugo, ainsi qu’une usine de patisserie, Anaelle and Hugo Creative Productions qui fournit hôtels et conventions de Disney. C’est l’usine des 3 chefs* que nous avons racheté. Nous sommes ouverts 7 jours sur 7 du matin au soir. On est une cinquantaine d’employés dont 27 à l’usine.

*MM. Bocuse, Lenotre et Verge

Recrutez-vous du personnel local pour votre restaurant ?

Nous avons beaucoup de mal à trouver des gens qui connaissent le métier et veulent l’apprendre. Nous recherchons des jeunes Français. Ici, il y a peu d’école pour vous former à ces métiers. Les frais de scolarité pour ces écoles sont entre $35.000 et $50.000 par an. Il n’y a pas beaucoup de candidats qui s’engagent dans de tels frais.

Qu’appréciez-vous aux Etats-Unis ?

L’Américain est moins stressé. La vie est plus facile. En France, ça n’est pas facile de décrocher un job, ça rend l’ambiance morose. Moi aussi, j’étais stressé, je klaxonnais au volant ! Je vivais à Paris.

Comment voyez-vous le travail aux USA ?

Ceux qui sont au chômage en Floride, c’est qu’ils ne veulent pas travailler. Ceux qui travaillent avec moi, ont 2 boulots. Ils veulent gagner 6.000$/7.000$ par mois. En France, on ne peut pas avoir deux boulots. Le côté traître, on peut tout perdre très vite. Si on gouvernait les Américains comme les Français, ils deviendraient moins compétitifs qu’aujourd’hui. Aux Etats-unis, on a peu le temps de s’intéresser à la culture, de lire, de s’éduquer…etc.

Quelles sont les plus grandes difficultés que vous avez rencontrées aux Etats-Unis ?

C’est très dur de garder des équipes. L’employé part pour une augmentation de salaire ailleurs. Il y a tellement pénurie pour trouver des gens pour travailler, on se les arrache ! Pour les Français qui souhaitent travailler chez nous, on peut faire des visas d’investisseurs, on se paie « nos propres visas ».

Qu’est-ce que vous détestez aux US?

Pas grand chose. Le mauvais côté ou « downside » : c’est que les gens ne sont pas sortis de leur pays, ce qui fait qu’ils comprennent mal le reste du monde. C’est un pays jeune sans culture du passé.

Quel est votre plat américain préféré ?

J’aime leurs sandwichs en particulier le « Reuben » sandwich (du chou et du salami). J’adore aussi leur viande. En Europe, c’est très rare de goûter de la bonne viande comme la viande d’Irlande ou de Salers. Les Américains sont venus chercher nos vaches Limousines en les croisant avec de l’Angus irlandais qui broutent aujourd’hui paisiblement dans les grandes plaines américaines !

Quelle est votre devise ?

Quand vous avez un projet en tête, il faut le garder. Si on est sérieux et si on s’en donne les moyens, on y arrive.

Quels conseils donneriez-vous aux Européens qui s’installent aux Etats-Unis ?

Si on n’a jamais eu l’expérience des USA, il faut se faire conseiller par des sociétés américaines ou françaises pour vous donner les vraies chances de survie de votre projet. Il ne suffit plus d’avoir de l’argent. Je connais beaucoup de Français qui sont venus monter une boulangerie ou un restaurant et qui repartent quelques années plus tard avec quelques milliers de $ en moins…
Beaucoup de Français vont à Miami car on a vu ça à la télévision. Aujourd’hui, ouvrir un restaurant français à Miami, c’est perdre son temps car le marché est déjà saturé ; Miami est une ville pour beaucoup de Mexicains et de Cubains. C’est facile d’ouvrir mais de fermer aussi !