Interview Sebastien Canonne

Sébastien Canonne dirige aujourd’hui la French Pastry School et enseigne aux Américains, comment faire de la bonne pâtisserie…Il nous raconte comment il en est arrivé là avec une formation initiale dans une école hôtelière française.

Quelle est votre formation initiale?

J’ai été à l’école hôtelière de Rouen, tenue par des chefs très stricts de la vieille génération. J’y ai reçu une excellente formation sur la qualité du métier. Dès l’école, j’aimais la pâtisserie et me suis inscrit pour l’année de mention complémentaire pour un CAP de pâtisserie.

Quel a été votre parcours professionnel par la suite?

J’ai travaillé à l’Elysée où j’ai fait mon service militaire de 12 mois. C’était en 1989, l’année du bicentenaire de la révolution. Il y a eu énormément de visites officielles avec beaucoup de travail en cuisine donc…ce qui a été très formateur. J’ai fait ensuite un stage à l’hôtel de la Marine puis un stage au Pré-Catalan car le chef de l’hôtel venait de Lenôtre. Au Pré-Catalan, j’ai eu l’opportunité de connaître ainsi M. Lenôtre. C’était un meneur d’hommes qui savait les sensibiliser. Alors que j’avais commencé à chercher du travail, un jour, il est venu me voir et m’a dit: “On ne fait pas de la bonne pâtisserie chez Lenôtre? Pourquoi tu ne restes pas chez nous?” Il m’a proposé de commencer le lendemain matin dans leur centre de production à Plaisir. J’ai toujours voulu voyager et Lenôtre m’a aidé.

Quel est l’intérêt des grandes maisons de vous envoyer chez leurs concurrents?

Pour nous récupérer plus tard! Les grands chefs se connaissent et ils s’échangent les employés pour qu’ils apprennent.

Comment êtes-vous arrivé aux Etats-Unis?

Je suis venu aider une personne qui a ouvert une boulangerie. Le Ritz-Carlton à Chicago m’a fait une proposition pour devenir chef pâtissier. J’y suis resté 5 ans. J’ai alors rencontré mon associé Jacky Pfeiffer qui a créé la “French Pastry School” ou école française de la pâtisserie en 1995. Je l’ai rejoint en 1997.

Quelle est aujourd’hui la taille de votre école de pâtisserie et quels cours offrez-vous?

Il y a 4 professeurs à temps complet et 3 professeurs assistants avec 3 personnes en plus dans le staff administratif. Nous prévoyons d’accueillir 2 nouveaux professeurs. L’école offre un programme de longue durée et des formations continues de 3 jours, ce qui totalise entre 400 et 500 élèves par an à Chicago et 1000 à 2000 élèves externes pour des séminaires. Nous avons aujourd’hui des élèves du monde entier avec une prédominance d’Américains (de 80 à 90%).

Pouvez-vous nous parler de ces formations externes?

Il s’agit de grosses démonstrations de pâtisserie “hands-on” avec 300 à 400 personnes où nous faisons un entremet, des gâteaux, des pralinés, des bonbons de prestige….etc. de A à Z. C’est fait avec retransmission directe sur télévision dans la salle…

Vous avez aujourd’hui 37 ans, vous êtes chef d’entreprise et avez reçu la distinction de “Meilleur Ouvrier de France”, votre parcours a été très rapide?

Dans ce métier, vous commencez à 14 ans. C’est comme quelqu’un qui est docteur à 30 ans et devient chirurgien réputé à 50 ans.

Quels conseils donneriez-vous aux personnes qui souhaitent s’expatrier aux Etats-Unis?

Il faut avoir des bonnes bases en anglais avant tout. Il faut être bagarreur pour montrer que ce qu’on fait est bien. Il faut s’adapter et foncer…

Qu’est-ce qui vous a surpris aux Etats-Unis?

L’exagération!

L’exagération des goûts: c’est très sucré ou très épicé ou très acide!
La quantité de nourriture dans les assiettes est énorme
La vitesse à laquelle ils mangent et le nombre de fois par jour!
Le nombre de gens obèses. C’est comme l’alcoolisme ou le tabac.

Avez-vous un plat préféré?

J’aime tout. Il faut aimer manger dans ce métier. C’est un plaisir gratuit de la vie. Je le garde de la France.

Qu’est ce qui vous manquerait si vous deviez partir des Etats-Unis?

Leur admiration devant la réussite. Ils sont admirateurs parfois à l’extrême. L’Américain ne va pas chercher à savoir si c’est vrai ou pas. Il y a aussi parfois de l’intérêt dans leur admiration car ils sont opportunistes, il faut savoir faire attention. En France, on est plutôt jaloux. Si on était aussi admiratifs que les Américains, on serait intouchables. Au contraire, on veut tout garder. On perd son énergie à cacher. Les Américains grandissent en partageant.

Qu’est ce que vous admirez aux Etats-Unis?

L’efficacité qui existe dans tout le pays. Tout est fait pour satisfaire le client. En Europe, on doit porter ses valises quand on va dans un hôtel à 200 euros! Aux Etats-Unis, les gens ont 2 ou 3 jobs, celui qui ne veut pas travailler, il n’a rien, c’est le coupe-tête. On ne peut pas construire un pays lorsqu’on préfère ne pas travailler. Au Japon, c’est un peu pareil. Après la seconde guerre mondiale, il n’y avait rien, l’économie qu’ils ont construit, c’est grâce au travail.