portrait expatrié usa Stephane Bombet

Stéphane Bombet dirige aujourd’hui un éditeur de musique à Los Angeles. Il est venu aux Etats-Unis pour gagner de l’argent et vivre le rêve américain mais reste lucide sur les inconvénients de vieillir dans ce pays…et sur les qualités de l’Europe.

Pourquoi avez-vous voulu venir aux Etats-Unis?

Ma première tentative a été un séjour à New York à 18 ans qui n’était pas un succès…Ensuite je suis revenu aux Etats-Unis le 26 août 2001. J’ai été embauché en Europe chez un éditeur de musique pour développer l’entreprise aux Etats-Unis. Je suis venu d’abord avec un visa investisseur et puis j’ai créé la société Right Bank Management. En France, le métier que j’exerce aujourd’hui n’a pas d’avenir car le marché est trop petit et les milieux des maisons de disque sont trop fermés.

Quel est votre métier exactement?

Aujourd’hui les interprètes qui écrivent parole et musique de leur chansons sont de plus en plus rares (quelques exceptions: U2, COLDPLAY….). On a des auteurs compositeurs qui écrivent les chansons pour eux avec des réalisateurs qui mettent en forme la chanson. C’est un métier très humain avec beaucoup de relationnel, où il faut que l’artiste ait envie d’être managé par vous sinon ce n’est pas la peine. Je m’occupe plus précisément de trouver les bons auteurs, j’écoute beaucoup de CDs, je rencontre des gens, je vais à des concerts.

Comment s’explique la réussite de votre entreprise ?

Nous avons eu depuis que l’on a démarré aux USA 19 numéros 1…et on a vendu 30 millions d’albums. On a eu pas mal de chance. Je connaissais avant bien le monde de la musique car j’étais copropriétaire de boîtes de nuit et j’avais également la connaissance du management d’artistes car j’étais fiance à une actrice française. J’ai engagé des gens très talentueux, de qualité qui connaissaient bien le business. Pour le reste, j’ai tout appris sur place.

Comment votre entreprise se rémunère t-elle?

Sur la base d’un pourcentage sur les ventes d’albums. Ces royalties prennent fin, pour tous ceux qui ont concouru à la réalisation d’un album (artiste, éditeur, musicien….etc.), 70 ans après la mort de l’auteur. Je connais des petits-enfants d’artistes qui gagnent $150.000 à $200.000 par an sans rien faire. C’est la beauté du business!

Qu’appréciez-vous chez les Américains?

Tout est possible même si c’est pas facile. Il n’y a pas de barrière, si on veut que cela arrive, c’est possible.
A Paris, les gens ne sont pas très positifs et pas très créatifs. Ici, tout le monde est heureux de travailler. Si ton assistante ou ta secrétaire veut prendre ta place, elle va travailler comme une folle pour y arriver! Il n’y a pas de jalousie. En France, si tu roules en Ferrari, ils se disent que quelque chose a été arnaquée. En France, je payais 60% d’impôts quand ici j’en paie 30% en gagnant plus d’argent. Le système de bonus est très développé: on donne des bonus à tout le monde. Par exemple, une standardiste pourra gagner $20.000 par an et recevoir un bonus de $4.000/$5.000. Ici, soit tu réussis, soit tu n’es pas grand-chose.

Quelles difficultés avez-vous rencontré?

Quand on est étranger, il faut faire ses preuves plus que les autres. Quand on fait du business, ce n’est pas très bien vu d’avoir un accent français. Les Américains sont prêts à tout, c’est une compétition acharnée dans laquelle il n’y a pas d’amitié. Tous les coups sont permis mais on peut aussi faire les choses bien.

Qu’est-ce que vous aimez moins?

Leur président.
Il y a une certaine ségrégation qui peut venir de la classe socioprofessionnelle, ou de la couleur de peau. A Los Angeles, où je vis, c’est très différent. Ici tout le monde fait des procès à tout le monde. En plus, aux Etats-Unis, ce n’est pas celui qui lance une procédure qui doit prouver mais celui qui est attaqué qui doit prouver que ce n’est pas vrai et cela peut se chiffrer en milliers de $. Il y a même des femmes de ménage qui attaquent et font des millions de $!

Quelle est votre expérience personnelle de ces conflits juridiques?

J’ai eu à faire à un vieux monsieur qui pensait que quand il était jeune, il avait écrit une chanson que nous avons éditée.Il nous a attaque et a perdu. Aussi dans les relations professionnelles avec les femmes, c’est complexe. On ne peut pas prendre l’ascenseur avec une fille au risque de se faire attaqué pour harcèlement sexuel. Je ne prends jamais de rendez-vous avec une femme seule et ne ferme jamais ma porte.

Pensez-vous rentrer en France?

Je pense que je rentrerai dans 10-12 ans en espérant pouvoir m’arrêter de travailler vers 45 ans. J’aimerais élever mes enfants en France ou en Europe, en Italie par exemple. Je ne ferai pas ma vie ici. Pour mes futurs enfants; l’éducation est meilleure en Europe. On n’a pas envie de vieillir ici, il n’y a pas de retraite, pas d’assurance santé. Quand on est serveur toute sa vie, c’est dur. Mieux vaut voir les bons points que les mauvais.

Quels conseils donneriez-vous à ceux qui souhaitent s’installer aux Etats-Unis?

On peut faire de l’argent mais finis les RTT, les ponts, les week-ends de 4 jours. Ici, ils travaillent 12h par jour et n’ont pas vraiment de week-ends avec 2 semaines de vacances et 7 jours fériés par an. Pour moi, je suis à 7h du mat au bureau jusque 19h00 environ et parfois plus quand je suis en studio. Mais c’est la vie dont j’ai toujours rêvé.