portrait expatrié usa

Jean-Pierre Subrenat, parfumeur spécialisé dans les parfums naturels et champion de pétanque aux Etats-Unis nous raconte son parcours aux Etats-Unis et les spécificités de son métier.

Comment êtes-vous arrivé aux Etats-Unis ?

Je suis arrivé il y a 32 ans. J’ai commencé ma vie professionnelle à Grasse dans le parfum. Les clients étant à paris, j’ai passé ensuite quelques années à Paris et les Etats-Unis m’attiraient beaucoup.

Comment devient-on un « nez » ou créateur de parfums ?

On n’apprend pas la parfumerie à l’école mais sur le tas avec un maître parfumeur. Je n’ai pas fait des études particulières. En 1966, je vivais à Grasse et on ne parlait pas d’université. J’ai fait un job d’été dans une société de parfums. On m’a fait nettoyer des béchers pendant 6 mois. Au bout de 5-6 mois, on m’a fait sentir des choses, passé des tests et puis on m’a formé. C’est un métier très dur au début. Vous devez mémoriser les odeurs et leurs noms. Rapprocher ces odeurs de quelque chose pour vous en souvenir et le mettre dans un petit tiroir de votre tête ! Mon 1er salaire a été de 420 francs par mois…alors qu’en étant DJ, je gagnais 80 francs par soirée ! La seule chose que vous n’apprenez pas pendant cet apprentissage est la créativité.

Pourquoi avez-vous souhaité vivre aux Etats-Unis ?

On m’a envoyé faire un stage de 4-5 mois aux USA et je me suis dit que je voulais revenir. En 1976, j’ai débarqué avec ma femme et mes 2 enfants à New York avec un emploi dans la société concurrente où je travaillais à Paris. J’ai travaillé dans différentes sociétés et dans les années 80, j’ai créé Giorgio Beverly Hills.

Comment voyez-vous l’évolution du secteur des parfums ?

Un parfumeur, c’est un chef de cuisine. C’est le choix des ingrédients et des quantités. C’est devenu une industrie alors que ce n’est pas cela, on est des artisans. Dans les grandes sociétés de parfums, le rendement est plus important que la créativité. Vous avez le chairman qui veut faire plaisir à Wall Street mais ne s’occupe pas de la qualité des produits.

Vous avez choisi de créer votre propre entreprise ?

A la fin des années 80, j’ai travaillé pour une société de taille moyenne et je me suis dit que je pouvais le faire moi-même. Il y a 5-6 ans, j’ai développé une niche : le parfum naturel où il s’agit de réinventer le métier. Le parfum conventionnel est une combinaison d’ingrédients synthétiques et naturels avec 2000 ingrédients différents. Avec du parfum naturel, vous ne disposez plus que de 200 ingrédients.

Pouvez-vous nous en dire plus sur votre société ?

Il s’agit de Creative Concepts Corporation avec 15 employés et un chiffre d’affaires en hausse. On sous-traite la fabrication afin de rester plus souple. Nous travaillons pour une centaine de clients mais les très gros clients ne m’intéressent pas. Je fais aussi des parfums sur mesure pour des particuliers.

Vous êtes aussi champion de pétanque des Etats-Unis ?

J’ai toujours aimé jouer à la pétanque. En France, il y a 600.000 licenciés, aux USA 3.000. Cela m’amuse. Je suis président du New York Petanque Club et avec mon équipe (2 autres Américano-Français), nous représenterons les USA aux prochains championnats du Monde à Taiwan mais aussi l’Europétanque d’Azur Nice. Avant d’en arriver là, il nous a fallu gagner le concours final de qualification parmi tous les prétendants au titre, parmi une quarantaine d’équipes toutes aussi bonnes les unes des autres.

Quels sont, selon vous, les plus grands traits de caractère des Américains ?

Si j’ai pu monter mes entreprises, c’est parce que j’étais aux Etats-Unis. On vous permet la créativité mais le problème des Américains, c’est que la plupart ne sont jamais sortis de chez eux ce qui leur donne un esprit obtus. Et ils sont assez ignorants des problèmes du monde en général.

Je suis ravi que Bush soit parti, c’était une honte pendant 8 ans. Je me faisais engueler par les Français à cause de Bush et par les Américains pour la guerre en Irak car je disais que Chirac avait ses raisons de refuser d’y faire la guerre ! Il y a trop de chauvinisme, un côté troupeau un peu gênant. C’est un pays d’immigrant qui n’accepte pas trop les immigrés…

Pensez-vous rentrer en France ?

J’ai une maison à côté de Cannes et j’ai une société là-bas. Je rentrerai un jour en France. J’ai une hâte : revendre mes affaires et aller faire un tour en France…pour la découvrir !

Quels conseils donneriez-vous aux Français qui s’installent ?

L’eldorado ou la ruée vers l’or, c’est fini. Il faut bosser et oublier les 35h. Vous pouvez travailler gratuitement le samedi et dimanche…pour le même prix ! La plupart de mes employés vont travailler 35h mais ce n’est pas un droit acquis, ce n’est pas publié. Quand on est là, on bosse et on ne fait pas la grève. Beaucoup de Français qui arrivent pensent vivre à la française mais ce n’est pas possible. On ne se baisse pas pour ramasser les dollars. Aussi, le coût des assurances médicales est énorme, 900 US$ à 1000US$ par mois et il ne faut pas être malade !