portrait expatriée usa Christine Picavet

Christine Picavet peint depuis plus de 25 ans des chevaux de course. Arrivée à New York, elle a vécu ensuite en Californie, à Santa Fe et dans le Colorado. Nous l’avons rencontré pour comprendre comment allier métier et passion aux Etats-Unis sur du très long terme.

Comment vous êtes-vous orientée vers la peinture de chevaux?

Je viens d’une famille très artistique : décorateur, professeur d’art, peintre…etc. Cela a toujours été naturel de faire du dessin et de la peinture. Vers l’âge de 8-10 ans, j’ai commencé à être passionnée de chevaux. Entre ma passion pour les chevaux et mon dessin, je suis allée à Chantilly.

Pourquoi avez-vous souhaité vivre aux Etats-Unis ?

Je travaillais pour une écurie de course à Chantilly en Ile de France. Je montais des chevaux de course pour les entraîner. Je voulais partir à l’étranger. Après 3 ans, mon entraîneur m’a proposé de faire un stage aux US, en Grande-Bretagne ou en Nouvelle Zélande. Il m’avait trouvé un poste à New York et je suis partie pour travailler pour un propriétaire entraîneur marié à une française.

Quel a été votre parcours là-bas ?

Je suis restée 3 ans. J’étais « exercice rider ». En été, on allait à Saratogastring, ville thermale au Nord de New York. C’est un peu comme Deauville en France. En hiver, on allait à Aiken en Caroline du Sud. C’est une jolie ville où il y a beaucoup de terrains de polo.
Je travaillais 4 heures le matin, ce qui me permettait de travailler à ma peinture Mais les allers-retours étaient difficiles, je n’avais pas vraiment de maison.
Je suis partie alors en Californie en 1977.

Comment avez-vous travaillé légalement aux Etats-Unis ?

Je suis arrivée avec un visa de stagiaire et mon entraîneur m’a mis en contact avec un avocat à Manhattan. J’ai aujourd’hui la carte verte.

Quand avez-vous décidé de vous consacrer entièrement à la peinture ?

Je me suis mariée avec un Américain (qui venait d’Allemagne) et on a eu un fils. Le timing était parfait car j’ai pu prendre plus de temps pour me consacrer à ma peinture. Depuis 1981, je peins à plein temps.

Vos sujets de peinture sont toujours des chevaux ?

Les clients ont tendance à vouloir la même chose. Après avoir peint des chevaux de course pendant 25 ans, je voulais peindre autre chose : les saisons, l’eau, les rochers, de façon plus impressionniste, les chevaux aussi d’une manière plus spontanée. J’ai commencé à faire des stages avec de très bons artistes qui m’ont appris plus la technique.

Vous avez aussi vécu à Santa Fe. Pourquoi ?

Quand mon fils a eu 18 ans, je suis allée à Santa Fe. Il y a beaucoup de galeries, d’expositions. Beaucoup d’amis m’ont persuadé de partir là-bas. Santa Fe est l’un des 2 grands centres d’art des Etats-Unis après New York.

Quelle est votre « production » artistique ?

Je peins entre 25 et 30 peintures par an depuis…1981. Cela fait entre 600 et 700 peintures.

Le fait d’être française vous a t-il aidé ?

Les gens adorent la manière dont je parle. Certains m’ont demandé au téléphone : « Puis-je vous rappeler, j’aime tellement comment vous parlez ! » Ils aiment l’accent. Les Français n’ont pas la réputation d’être faciles.
Cela m’a peut-être aidé dans les relations romantiques mais personne ne m’a jamais demandé de peindre son cheval parce-que j’étais française !
Cela ne m’a pas desservi non plus.

Depuis quand vendez-vous vos peintures ?

J’ai toujours vendu mes peintures déjà aux propriétaires et aux éleveurs de chevaux. La personne qui m’a trouvé mon premier client était Pierre Bellocq, un caricaturiste.

Comment avez-vous pu vous faire connaître ?

Le monde des chevaux de courses est très petit et très international. Il y a beaucoup de brassage de gens. Quand on a le pied dans ce monde, les gens le savent et cela va vite. Je fais de la pub, j’ai aussi beaucoup recherché pour obtenir des couvertures de magazine. Je suis allée aux ventes de chevaux dans le Kentucky (comme en Normandie) où la plupart des bons chevaux sont élevés.

Qu’est-ce qui vous a surpris à votre arrivée aux US ?

Comme les gens étaient gentils et généreux de leur temps. Les Français sont plus réservés. Si on est perdu dans un petit village en France, on ne peut pas compter sur les gens pour vous aider. Aux Etats-Unis, ils sont très plaisants, très ouverts. Attention, c’est une généralisation.

Qu’appréciez-vous aux Etats-Unis ?

Si on travaille dur et on fait du bon travail, on y arrive. L’Amérique donne plus de chances pour ceux qui ont un business. Les opportunités ici sont très grandes. La mentalité française n’est pas aussi ouverte. Mais il n’y a pas de secret, il faut travailler.

Et qu’est-ce que vous aimez moins ?

Le revers de la médaille du côté « friendly » et démonstratif des Américains. Si on vous embrasse, cela ne veut rien dire, ce n’est pas pour cela que vous êtes amis.
Il y a deux choses très négatives : Comment le port d’armes à feu fait partie de la vie quotidienne. J’ai eu des amis qui partaient faire de la peinture en plein-air avec une arme… Les conditions d’éducation sont mauvaises et les drogues sont facilement accessibles. Mon fils, quand il avait 12-13 ans, il ne voulait pas aller aux toilettes car il y avait de la drogue. Il faut faire très attention.

Si vous aviez mieux connu les Etats-Unis avant de partir, auriez vous fait les choses différemment ?

Je serais allée directement en Californie. La vie est plus dure à New York, les gens sont plus « tough » là-bas.
En France, dans les écuries de course, il y a beaucoup d’Africains du Nord (par souci d’économies). En tant que jeune femme, c’était très difficile de travailler avec eux. Sur les 100 personnes qui travaillaient dans mon écurie à Chantilly, j’étais la seule femme. A New York, il y avait des Noirs, des Mexicains et des Porto-Ricains qui viennent pour beaucoup de la cambrousse, c’était pas facile mais c’était mieux qu’en France. A Los Angeles, il y a beaucoup de Mexicains et c’est beaucoup plus facile de travailler avec eux.

Quels conseils donneriez-vous aux Français qui s’installent ?

Cela dépend de leur âge, de leur goût, de leur tolérance, de leur éducation. Ce serait bien s’ils pouvaient avant de venir, passer quelques temps dans la ville où ils souhaitent vivre. S’ils ont des enfants, il faut faire attention aux écoles.

Quel est votre plat américain préféré ?

C’est le Thanksgiving dinner avec la dinde, la cranberries sauce, les patates douces…etc.

Quel est votre loisir préféré ?

Aller dans les sources chaudes « hot springs » et faire de la randonnée avec mon chien dans les montagnes.

Si vous deviez rentrer en France, qu’est-ce qui vous manquerait des US ?

J’ai passé plus de temps à vivre aux Etats-Unis qu’en France. Mon pays est plus ici.