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Brice Dupin de Saint Cyr est luthier. Il fabrique et répare des violons à New York. Il est arrivé aux Etats-Unis en 1984 pour y passer deux ans. Les années ont passé et il y est resté. Il a monté un atelier de violons à NY. Nous avons essayé d’en savoir plus.

Pourquoi avez-vous souhaité vivre aux Etats-Unis?

J’étais venu en 1984 car un luthier américain voulait m’employer. Il n’y avait pas beaucoup de boulot en France, le $ était à 10FF, cela faisait un bon salaire. Ma femme voulait venir aux US pour approfondir son anglais.

Comment s’est passée votre arrivée aux US?

On est arrivé à Portland en Oregon avec nos 3 enfants. Ma femme, danseuse de ballet classique, a trouvé une place de professeur de danse. Mon séjour aux Etats-Unis, c’était un peu comme une blague de deux ans, je ne pensais pas rester là longtemps.

Vous avez ensuite travaillé sur New York?

En Oregon, c’était très intéressant car on fabriquait des violons neufs en faisant vraiment de la création. En France, c’était surtout de la réparation. J’ai eu une offre pour travailler dans un grand atelier à New York pour 4 ans.

A quoi correspond un “grand atelier” de luthiers?

On travaille sur de très beaux instruments de musées ou des plus grands orchestres. L’atelier new-yorkais “Jacques Français Rare Violin” est l’équivalent du français Etienne Vatelont.

Pourquoi avez-vous décidé de vous lancer ensuite en indépendant?

Au bout de 4 ans, c’était le moment pour moi d’aller voir ailleurs. En travaillant dans un atelier, on travaille beaucoup, on est caché de la clientèle, si on veut avoir des contacts et faire plus d’argent, il faut se lancer.

Comment avez-vous débuté?

Dans les années 90, il y avait beaucoup de boulot, d’argent et de dynamisme dans la musique. J’ai profité de cet élan pour fabriquer beaucoup de pièces. En étant Français, cela facilite les choses. Les Français ont une très bonne renommée pour les produits de luxe, les violons, la lutherie.

Pourquoi les luthiers français ont du succès à New York?

Il y a environ 20 luthiers français à New York. Cela crée de la jalousie du côté des Américains. Les clients américains ont plus confiance dans les luthiers français. Quelqu’un qui rentre chez un luthier allemand, il sait qu’il va avoir un travail propre mais pas très sensible; chez un luthier italien, il aura un travail pas très à la mode. Les grands musiciens à New York n’ont pas une vie tout à fait logique pour nous. Les Français n’ont pas de jugement sur la fantaisie. J’ai dû écrire des lettres pour que les violons passent dans les détecteurs de métaux dans les aéroports.

Qu’appréciez-vous aux Etats-Unis?

On vit très pleinement, on a pas le temps de se poser de questions. Les Américains ne s’occupent pas de nous et nous non plus. Le climat social est agréable même s’il y a des tensions raciales. Il n’y a pas tellement d’intellectualisme. On ne parle pas ici pour ne rien dire.

Qu’aimez-vous à New York?

Ca bout d’activité. Tout est passé au maximum. J’habite en fait à 30 minutes en train de New York sur la côté au nord, c’est à la campagne. Un peu comme le Versailles de Paris. C’est un petit coin français où vivent 800 familles françaises autour des villes de Mamaroneck, Marchnont et Westchester.

Qu’est-ce que vous aimez moins à New York?

C’est une ville très dure, ailleurs l’accueil est plus facile, les relations sont plus faciles.
Les gens ici sont très “busy”. Il faut être prêt à un rythme de vie intense, à beaucoup de concurrence.
New York n’est plus l’endroit idéal pour la création, la musique. Quand on arrive à la station Grand Central, où transitent des millions de gens chaque jour, on court chacun dans son coin.

Quelle est la plus grande difficulté que vous avez rencontrée?

Ce pour lequel on est le moins formé: l’importance de la publicité, des relations publiques. Payer quelqu’un pour faire parler de vous. Moi, je n’avais pas idée en tant que Français. Se vendre et savoir se vendre: c’est tout un métier. Les Américains sont très forts pour cela. Le problème se pose moins pour garder un client. Quand on en a un, on sait le faire.

Seriez-vous prêt à rentrer en France?

Cela m’arrive 6-7 fois par an de prendre l’avion pour un week-end. J’ai des amis français qui sont là plusieurs fois par mois. New York est la banlieue de Paris. Je ne me sens pas loin.

Avez-vous été surpris à votre arrivée aux Etats-Unis?

J’ai été surpris que les choses soient si simples, je n’ai pas eu de choc culturel. En revanche, quand je vais dans les petites villes américaines, le choc est là.

Quelles sont selon vous les caractéristiques des Américains?

Ils font très attention à leur santé, à leur “shape”, à ne pas trop boire, trop fumer. Ils se lèvent tôt le matin, se couche tôt. Quand ils disent quelque chose, ils pensent vraiment que c’est vrai. Un policier américain vous dit que vous roulez trop vite, vous avez le PV. Il n’y a pas d’ambiguité. Le sens de la vérité est plus important.

Avez-vous une devise?

Non, il faut aller dans les restaurants chinois où ils vous servent des devises avec leur fortune cookies!*

*fortune cookies: biscuit offert gracieusement en fin de repas dans les restos chinois. Chaque cookie contient une devise écrite sur un papier.

En conclusion, quels conseils donneriez-vous aux expatriés qui s’installent aux Etats-Unis?

Dans le choix de la ville: New York n’est peut-être pas la ville idéale. Le climat est devenu plus tendu aujourd’hui et plus dur.