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Olivier Blanchard, 53 ans, est professeur de macro-économie, responsable du département d’économie du Massachusetts Institute of Technology (MIT). Nous l’avons interviewé pour mieux comprendre les atouts d’un professeur d’une université américaine.

Pourquoi avez-vous souhaité vivre aux Etats-Unis ?

J’étais étudiant en France en économie et mathématiques à Dauphine et Nanterre. J’étais en DES quand j’ai réalisé qu’il y avait beaucoup de «trous» dans ce que je savais. Je me suis présenté au MIT comme étudiant en doctorat. Ma candidature a été acceptée et j’y ai fait mon doctorat (PhD) de 1973 à 1977.

Votre diplôme en poche, pourquoi avez-vous décidé de rester aux US?

La question ne s’est pas posée de rentrer en France. Le PhD n’etait pas reconnu en France. Pour avoir les mêmes opportunités en enseignement universitaire en France, j’aurais du faire un doctorat du 3ème cycle puis un doctorat d’état pour avoir le droit de me présenter à l’agrégation… Aux Etats-Unis, il y a un jobmarket très bien organisé et de nombreuses offres de travail. Harvard m’a proposé une place comme professeur assistant et j’ai accepté.

Quels sont les différents niveaux existants?

Il existe trois niveaux: le premier de professeur assistant, le deuxième de professeur associé et enfin celui de professeur.

Quel a été votre parcours ensuite?

Je suis ensuite devenu professeur associé à Harvard et en 1982, le MIT m’a proposé un poste de professeur. J’y suis donc retourné. Je suis professeur, j’ai une chaire et suis directeur du département d’économie.

Que vous ont apporté les Etats-Unis?

J’ai fait la carrière que je souhaitais en ayant des possibilités de recherche et d’enseignement incomparables avec celles que je pouvais espérer en France. Là où les Américains excellent en matière d’enseignement, c’est sur les études avancées.

Comment est structuré le département d’économie du MIT?

Dans les classements des universités américaines, mon département est supposé être le meilleur. Nous sommes 35 professeurs dont 1/3 de professeurs assistants et 2/3 de professeurs. J’ai une autonomie financière totale en ayant la possibilité de trouver d’autres fonds auprès de fondations ou d’entreprises par exemple. Chaque professeur doit donner 2 cours par an, ce qui représente 40h à 50h par an. Ils sont suffisamment payés pour ne pas avoir besoin d’avoir d’activites extérieures rémunerées. Cela laisse donc beaucoup de temps pour la recherche.

De quels moyens disposez-vous?

Je dispose de fonds de recherche quasiment illimités. Si le projet est justifié du point de vue scientifique, MIT ou la NSF me donnent les fonds. Je n’ai jamais eu de problèmes de temps ni d’argent. Aussi, nous accueillons 25 étudiants qui sont choisis parmi 800 étudiants du monde entier. Le meilleur jeune économiste chinois ou russe se présentera au MIT. Ceci nous garantit une qualité de candidats extraordinaire. Les 100 étudiants que nous avons en programme de doctorat sont exceptionnels et permettent d’avoir des relations de recherche remarquables. Ils sont plus brilliants que moi et me forcent à réfléchir! En France, je ne pourrais pas avoir accès à cela et en particulier à ce pool international. Cette différence entre les Etats-Unis et l’Europe a tendance à augmenter même si dans certaines matières comme les mathématiques, la France se débrouille très bien.

Comment expliquez-vous que le MIT ait choisi un Français pour diriger leur département d’économie?

Ils n’ont pas choisi un Français. Ils ont choisi un professeur qui paraissait compétent. La couleur de votre passeport ou de la peau n’a aucune importance. Les professeurs ici sont pour moitié des non-Américains et la question de la nationalité ne se pose pas.

Quelles sont les plus grandes difficultés que vous avez rencontrées aux Etats-Unis?

Je n’ai pas rencontré de difficultés au niveau professionnel. Mon anglais était de bon niveau et pour l’accent, la plupart d’entre nous ont des accents ici! Du point de vue de la vie personnelle, je préfère la qualité de vie en France.

Qu’appréciez-vous moins aux Etats-Unis ?

Certains des clichés sur la vie aux US sont vrais. Il est très facile d’avoir des copains mais on a du mal à avoir des amitiés plus profondes. Ceci dit, Cambridge, où j’habite, est une ville merveilleuse, charmante et où la qualité de vie est très bonne. C’est probablement plus dur pour un Francais de vivre dans le Midwest.

Quel est votre emploi du temps généralement?

Il est très variable mais en moyenne, je commence à travailler vers 7h-8h jusqu’à 12h00 à la maison pour faire de la recherche. C’est un temps de réflexion sans responsabilités administratives. L’après-midi, je suis dans le département dont je m’occupe et je vois aussi mes étudiants. J’ai 3 à 4 séminaires par semaine. Je voyage beaucoup, en moyenne une fois par semaine. Je pars en fin de semaine souvent dans un autre pays pour rencontrer des gens, intervenir dans des conférences.

Quelle est votre devise?

Je n’ai pas de devise. J’opère au radar.

Comment voyez-vous les Etats-Unis dans 50 ans?

Je ne sais pas répondre à cette question.